màj : 03/08/2024 |
Réquisitions #
Requérir : xiie siècle. Réfection, sur le modèle de quérir, de l’ancien français requerre, « prier quelqu’un, adresser une demande », lui-même issu du latin requaerere, altération de requirere, « rechercher ».
Autorisation #
Enquête de flagrance #
Les réquisitions sont émises par le parquet ou, d’initiative, par un OPJ ou, sous le contrôle de ce dernier, par un APJ.
Enquête préliminaire #
Les réquisitions émanent du parquet ou, sur l’autorisation de ce dernier, d’un OPJ.
L’autorisation préalable est exigée sous peine de nullité (d’OP) de la réquisition, susceptible d’être invoquée par toute personne intéressée. Mais l’autorisation n’est soumise à aucun formalisme particulier et n’a pas besoin d’être renouvelée à chaque acte.
Crim., 18 juin 2019, n°19-80.105 Est nulle la réquisition effectuée au visa de l’article 77-1 CPP (réquisitions à sachant) en l’absence d’autorisation du procureur.
Crim., 21 oct. 2020, n°18-85.776 Est nulle la réquisition effectuée au visa de l’article 77-1-1 CPP (réquisitions aux fins de communication d’informations) en l’absence d’autorisation du procureur. Crim., 20 juillet 2011, 11-81.823 L’autorisation générale du PR de « procéder à toutes réquisitions utiles à la manifestation de la vérité » sont légales, les réquisitions n’obéissant à aucune forme particulière. Crim., 27 nov. 2012, 12-85.645 « l’article 77-1-1 du code de procédure pénale ne soumet l’autorisation du procureur de la République à aucune forme particulière et n’exige pas, notamment, que figure à la procédure la formalisation écrite et préalable d’une demande d’autorisation ou de cette autorisation elle-même ni l’indication de la forme sous laquelle cette autorisation a été donnée »
JP : autorisation (principe)
Observations
Voir aussi : Crim., 14 oct. 2003, 03-84.539.
JP : autorisation (forme)
Observations
Voir aussi : Crim., 23 mai 2006, n°06-83.241
Crim., 17 déc. 2019, n°19-83.574 Il résulte de l’article 77-1 CPP que « l’autorisation donnée par [le PR aux OPJ] de faire procéder à des examens techniques ou scientifiques doit être donnée dans le cadre de la procédure d’enquête préliminaire en cours et non par voie d’autorisation générale et permanente préalable ».
JP : autorisation (portée)
Observations
L’autorisation avait été donnée antérieurement à l’ouverture de l’enquête.
Dans son élan, le législateur est allé jusqu’à supprimer purement et simplement l’exigence d’une autorisation préalable pour les réquisitions à personne qualifiée pour:
- procéder à la comparaison d’empreintes biologiques d’une personne suspectée d’avoir commis une des infractions entraînant l’inscription au FNAEG (🠖706-55 CPP);
- procéder à la comparaison d’une trace/empreinte digitale/palmaire d’une personne suspectée d’avoir commis un crime ou un délit.
Bien que l’arrêt de 2019 n’ait visé que les réquisitions à sachant, le législateur a également modifié 77-1-1 CPP afin d’autoriser le parquet à émettre des autorisations générales, permettant aux OPJ/APJ d’obtenir la communication d’information issues d’un système de vidéoprotection pour une catégorie d’infractions déterminées par le parquet et pour une durée de 6 mois renouvelables.
Instruction #
Le magistrat et l’OPJ (sur CR) peuvent requérir la communication d’une information (99-3 à 99-5 CPP) ou l’exécution d’une prestation (81 CPP), à l’exception des expertises qui ne peuvent être requises que par le JI (156 CPP).
Nature de la mission #
Exécution d’une prestation #
Les réquisitions à personne qualifiée constituent le socle du régime commun des réquisitions d’exécution d’une prestation. À moins que des dispositions spéciales y dérogent expressément il convient de s’y rapporter.
Réquisitions à personne qualifiée #
Les réquisitions à personne qualifiée visent à solliciter d’un tiers la réalisation d’une prestation de nature intellectuelle: examens médico-légaux3; balistiques ; génétiques; informatiques ; etc. Elles sont prévues à l’article 60 pour la flagrance et 77-1 pour la préliminaire.
La réquisition adressée à un organisme bancaire tendant à se voir communiquer la liste des organismes ayant reçu des paiements par carte bancaire de la part d’un suspect ainsi que toute information sur les paiements par carte bancaire références est une communication d’information et non une mesure technique. La réquisition consistant à analyser un texte pour en tirer des conclusions juridiques ne constitue pas une communication d’informations mais une opération intellectuelle relevant de 77-1-1 CPP.
JP : distinction des prestations
Observations
« la réquisition du 12 juin 2017 priait Mme [J], inspecteur de la DIRECCTE, d’analyser le protocole d’accord litigieux et d’indiquer s’il comportait des éléments de nature à entraver la liberté d’accès à la délégation de service public, s’il pouvait relever de pratiques anticoncurrentielles et s’il pouvait constituer un abus de position dominante de la part de la Compagnie du mont-blanc »
Certains fonctionnaires et agents publics disposent, en vertu d’une loi spéciale, de pouvoirs de police judiciaire. Dans le cadre de l’information judiciaire et si la loi le prévoit, ils peuvent être requis par CR. En revanche, leur participation aux enquêtes sous l’autorité du PR ne nécessitent pas de recourir aux réquisitions depuis l’insertion, en 2019, d’un 3e alinéa à l’article 28 CPP.
Exécution de la mission – Une mission d’analyse médicale peut impliquer une coercition, dès lors que l’examen est nécessaire pour caractériser une ou plusieurs circonstances aggravantes.
Par une décision QPC de 2022, le CC a rappelé que la personne soupçonnée devait être informée de son droit de se taire lors d’un examen au cours duquel elle était interrogée sur les faits qui lui sont reprochés4.
Réquisitions à manouvrier #
Les réquisitions à manouvrier (dites « réquisitions de services »), visent à la réalisation d’une prestation manuelle ou matérielle et reposent sur une lecture généreuse de l’article R. 642-1 CP.
Il s’agit d’un pouvoir propre de l’OPJ qui n’a donc même pas à solliciter une autorisation du parquet : peu importe le cadre de l’enquête, il lui suffit de requérir au visa des articles 75 CPP et R. 642-1 CP. La personne requise n’a pas à prêter serment non plus.
JP : réquisition à manouvrier (notion)
Crim., 3 avril 2013, 12-86.275
Les réquisitions adressées à un serrurier (dans le cadre d’une perquisition autorisée par un JLD) relève des pouvoirs propres de l’OPJ.
Observations
La Cass précise même qu’ils n’ont pas à viser 77-1 CPP et à solliciter l’autorisation du PR.
Réquisitions aux fins d’autopsie #
Réquisitions prévues à 230-28 à 230-31 CPP, pour la flagrance, la préliminaire et l’instruction.
Réquisitions aux fins de déchiffrement #
Prévues aux articles 230-1 à 230-5 CPP, elles visent à obtenir la version claire de données chiffrées.
Elles suivent le régime commun des articles 60 en flagrance, 77-1 en préliminaire et 156 dans l’information : une autorisation préalable du PR est donc nécessaire dans le cadre de l’enquête de police et la personne requise devra prêter serment.
Si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement, il peut être recouru aux services du Centre Technique d’Assistance de la DGSI[^5].
Réquisitions aux fins de dépistage d’un conducteur #
Si des dépistages se révèlent positifs, les OPJ/APJ peuvent procéder ou faire procéder à des analyses ou examens médicaux afin d’établir l’usage de stupéfiants (L. 235-2 al. 5 CRoute) ou la consommation d’alcool (L. 234-4 CRoute).
Ces réquisitions n’ont pas besoin d’être autorisées par le procureur et la personne requise n’a pas à prêter serment.
JP : distinction des prestations
Crim., 10 juin 2015, 14-87.054
Le médecin qui effectue la prise de sang prévue au I de L. 234-1 du Code de la route n’a pas à prêter serment.
Crim., 21 juin 2016, 15-86.449
« l’officier de police judiciaire tirait de l’article L. 235-2, cinquième alinéa, du code de la route, le pouvoir de faire procéder à des vérifications consistant en des analyses ou examens médicaux, cliniques et biologiques, en vue d’établir si l’intéressé conduisait en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants »
Réquisitions aux fins de copie de données placées sous scellés #
Ces réquisitions visent à permettre l’exploitation de données informatiques placées sous scellés dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction (après une perquisition par exemple).
En flagrance elles sont prévues à l’article 60-3 CPP et l’OPJ, (l’APJ et l’assistant d’enquête (sous le contrôle de l’OPJ)) peuvent requérir sans autorisation préalable du PR. En préliminaire elles sont prévues à l’article 77-1-3 CPP et requièrent l’autorisation préalable du PR. Durant l’information judiciaire elles sont prévues à l’article 99-5 CPP et requièrent l’autorisation expresse du JI.
La personne requise doit prêter serment.
Communication d’informations #
Les réquisitions aux fins de communication d’information sont prévues aux articles 60-1 et 60-2 al. 1 en flagrance, 77-1-1 et 77-1-2 en préliminaire, 99-3 et 99-4 dans le cadre de l’instruction[^6].
Rappelons que le régime des réquisitions ne s’appliquent qu’en cas de demande coercitive, à l’exclusion de toute remise volontaire ou consultation sur place.
Crim., 9 févr. 2016, 15-85.070 « la consultation sur place, par les policiers, d’images issues du système de vidéosurveillance équipant les lieux, et la communication de renseignements, faite volontairement aux officiers de police judiciaire, sans moyen coercitif, par les représentants des concessionnaires d’autoroutes n’exigent pas l’autorisation préalable du procureur de la République » Crim., 15 sept. 2009, 09-82.597 « la consultation par les services de police des informations contenues dans les fichiers susvisés auxquels ont accès les services de police et de gendarmerie, ne nécessite pas une réquisition au sens de l’article 77-1-1 du code de procédure pénale »JP : communication d’informations (notion)
Crim., 6 déc. 2011, n°11-83.970 Est nulle la réquisition visant à obtenir l’identité des interlocuteurs des lignes téléphoniques de journalistes.
Données de connexion - On appelle « données de connexion » ou « métadonnées » un nombre important de données se rapportant non pas au contenu d’une communication mais à ses caractéristiques. Il s’agit en premier lieu de l’identité des interlocuteurs mais également des nombreuses traces numériques: adresse IP, logs des activités en ligne, bornage téléphonique, journal d’appel, matériel utilisé. Ces données, que la France imposait aux hébergeurs, fournisseurs d’accès et opérateurs de téléphonie de conserver en masse, ont été confrontées au respect du droit à la vie privée. À cet égard, l’arrêt de la CJUE du 6 octobre 2020 est décisif, même s’il était annoncé par plusieurs arrêts antérieurs interrogeant la conformité de dispositions au droit interne au regard de textes européens. Textes pertinents - Sans surprise, les textes intéressants se rapportent à la vie privée: La CJUE devait se prononcer sur plusieurs questions préjudicielles, portant principalement sur la conformité de la directive 2006/24/CE aux droits visés par la Charte des droits fondamentaux (arts. 7 et 8). Cette directive imposait aux EM la conservation d’un nombre important de données de connexion « en vue de garantir la disponibilité de ces données à des fins de recherche, de détection et de poursuite d’infractions graves telles qu’elles sont définies par chaque État membre dans son droit interne » (art. premier). Cette directive ne résistera pas au contrôle de proportionnalité, aux motifs que: En conséquence, la directive 2006/24/CE est invalidée aux motifs que la conservation et l’accès aux données de connexion sont généralisés et indifférenciés au regard de l’objectif de lutte contre la criminalité et la préservation de la sécurité publique. Sans revenir sur cette longue construction jurisprudentielle, on rappellera que la CJUE a jugé en 20201 qu’il convenait de lier l’étendue et la durée de la conservation des données à la gravité de la menace: Le CE a pris acte de l’arrêt de la CJUE tout en tentant de préserver le dispositif2. Ainsi il a exigé que soit mis en place un mécanisme d’examen régulier du risque susceptible de justifier une conservation généralisée des données de connexion autres que l’adresse IP et l’identité civile pour les menaces à la sécurité nationale et, s’agissant de la délinquance classique, considéré que le mécanisme de conservation rapide prévu par le droit UE (et 60-2 CPP) satisfaisait aux exigences européennes. Ceci a conduit le législateur à modifier les conditions de conservation (L. 34-1 CPCE) ainsi que la liste des données visées (R. 10-13 CPCE) et à prévoir la possibilité, pour le pouvoir réglementaire, d’enjoindre les opérateurs à conserver certaines données pour une durée d’un an renouvelable. Par un arrêt de 2021 la CJUE a jugé3 que le ministère public ne pouvait autoriser les forces de l’ordre à accéder aux métadonnées. CJUE, 6 oct. 2020, C-511/18, La Quadrature du Net e.a. ↩︎ CJUE, 2 mars 2021, C-746/18, Prokuratuur ↩︎JP : communication d’informations (sources des journalistes)
Observations
« L’atteinte portée au secret des journalistes n’était pas justifiée par l’existence d’un impératif prépondérant d’intérêt public et que la mesure n’était pas strictement nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ».CEDH : art. 5§2 (Garanties pour les personnes privées de liberté)
Arrêts de la CJUE pré-2020
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CJUE, 2014, Digital Rights Ireland
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Conservation des données
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L.34-1
Motif
Nature
Durée de conservation
II bis,°1
besoins de la procédure pénale, prévention des menaces contre la sécurité publique et sauvegarde de la sécurité nationale
Infos relatives à l’identité civile de l’utilisateur
5 ans à compter de la fin de validité du contrat
II bis,°2
idem
autres infos fournies par l’utilisateur lors de la création du compte et infos relatives au paiement
1 an à compter fin validité contrat ou clôture du compte
II bis,°3
besoins de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale
données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements utilisés
1 an à compter de la connexion ou de l’utilisation de l’équipement
III
motifs tenant à la sécurité nationale, lorsqu’est constatée une menace grave, actuelle ou prévisible
caractéristiques techniques, date, horaire et durée des communications ; données permettant d’identifier le(s) destinataire(s) ; données permettant de localiser la communication téléphonique + données II bis °3
1 an à partir de la publication du décret du PM enjoignant à la conservation
(renouvellement possible)
III bis
prévention et répression de la criminalité, de la délinquance grave et des autres manquements graves aux règles dont les autorités ont la charge
toutes les données mentionnées au présent article
1 an (60-2 al. 2 CPP) à compter de la réquisition aux opérateurs.
Accès aux données
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Circulaire du 8 sept. 2016 (§1.2) et circulaire du 16 nov. 2018 (Fiche 1). ↩︎
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Loi n°2020-1672 du 24 décembre 2020, art. 26. ↩︎
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Le terme d’expertise est réservé aux prestations sollicitées par un magistrat du siège; le parquet sollicitera pour sa part des examens. Cette différence terminologique n’emporte aucune conséquence sur le plan probatoire. ↩︎
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Décision n°2021-975 QPC du 25 février 2022, cons. 7 à 12. ↩︎