Audition, rétention et garde-à-vue
màj : 03/08/2024

Auditions #

Audition libre #

Instaurée par la loi n°2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales. Elle permet de limiter la pratique consistant à entendre en qualité de témoin des personnes sur lesquelles pèsent néanmoins un soupçon, sans leur notifier leur droit. Elle est prévue aux articles 61-1 et 61-2 CPP.

Conditions #

L’audition libre consiste à entendre une personne suspectée, mais libre de quitter les lieux.

Elle peut intervenir dans le cadre d’une enquête de flagrance, préliminaire, sur CR ou d’une enquête douanière. Si les conditions prévues par le CPP sont réunies (suspicion et absence de contrainte), il est possible de procéder à l’audition libre d’une personne à la suite:

En cas de transformation d’une audition en GàV dans un temps continu, la durée de la première s’impute sur celle de la seconde.

Notification des droits #

Le statut de suspect conduit à la notification des informations suivantes :

  • qualification, date et lieu présumés de l’infraction;
  • droit de quitter les locaux à tout moment;
  • droit d’être assisté par un interprète, le cas échéant;
  • droit de faire des déclarations, répondre aux questions ou se taire;
  • si l’infraction est punie d’une peine d’emprisonnement, droit d’être assisté au cours de l’audition de la confrontation par un avocat;
  • possibilité de bénéficier de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit.

Rétention des témoins #

L’article 62 CPP envisage différentes hypothèses d’auditions de témoins:

  • en l’absence de soupçon, les témoins sont entendus librement ;
  • « si les nécessités de l’enquête le justifient », ils peuvent être retenus pour une durée inférieure à 4 heures;
  • si des soupçons apparaissent lors de l’audition/rétention, celle-ci se transforme en audition libre ou en garde-à-vue, les droits afférents à ces mesures étant notifiées à l’intéressé. La GàV est obligatoire en cas de soupçon de commission d’une infraction punie d’une peine d’emprisonnement (62, al. 3).

Autres auditions #

Des auditions particulières peuvent également être menées, sous les mêmes conditions:

  • par les fonctionnaires et agents publics (28 CPP);
  • les fonctionnaires et agents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics habilités à rechercher et constater des infractions au Code de l’environnement (. 172-8 C. env.)
  • les agents de l’Autorité de la concurrence (L. 450-4 C. comm.);
  • les agents de la DGCCRF (L.512-60 C. conso.);
  • les services des douanes (67 C. douanes);
  • le membre de l’Arcom chargé de l’envoi des recommandations et ses agents assermentés (L.331-15 CPI).

Garde à vue #

On évoquera ici que la garde à vue des majeurs. La situation des mineurs est évoquée plus bas.

« Seul l’OPJ peut, d’office ou sur instruction du procureur de la République, placer une personne en garde à vue ».

Pratique : en GàV

Avoir avec soi en GàV :

Modèle : observations en GàV

Motifs #

La personne gardée à vue doit être majeure, sous réserve du régime applicable aux mineurs et étant précisé que l’âge est apprécié lors de la garde à vue et non lors de la commission des faits1.

La personne doit être suspectée (« raison(s) plausible(s) de soupçonner ») et conduite sous contrainte de la force publique devant un OPJ (à défaut : audition libre).

La GàV doit également être l’« unique moyen2 » de parvenir à l’une des finalités suivantes (62-2 CPP):

  • probatoire
    • permettre l’exécution d’investigations impliquant la présence ou la participation de la personne;
    • empêcher que la personne ne modifie des preuves ou indices matériels;
    • empêcher que la personne ne fasse pression sur des témoins, victimes ou leurs familles et proches;
    • empêcher que la personne ne se concerte avec des coauteurs/complices.
  • sécuritaire
    • garantir la présentation de la personne devant le PR;
    • garantir la mise en oeuvre de mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.

Mesures corrélatives #

CEDH : art. 5§2 (Garanties pour les personnes privées de liberté)
Finalité de la mesure #

Toute personne arrêtée doit connaître les motifs de son arrestation et pouvoir en contester la légalité (Khlaifia et autres c.Italie, 2016, §115 ; Fox, Campbell et Hartley c. R-U, 1990, §40).

Délais #

Les raisons doivent être communiquées « dans le plus court délai », exigence satisfaite si l’information est donnée dans un délai de quelques heures (Khlaifia et autres c.Italie, 2016, §115 ; Fox, Campbell et Hartley c. R-U, 1990, §40 ; Murray c. R-U, 1994, §72.).

Contenu #

Toute personne arrêtée doit disposer des informations juridiques et factuelles suffisantes pour contester la légalité de la mesure devant un tribunal Khlaifia et autres c.Italie, 2016, §115 ; Fox, Campbell et Hartley c. R-U](http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-62277), 1990, §40)

Modalités #

Les raisons de la privation de liberté n’ont pas à être données par écrit et peuvent être devenues apparentes lors d’interrogatoires ultérieurs (Fox, Campbell et Hartley c. R-U, 1990, §41 ; Murray c. R-U, 1994, §77.).

Notification des droits #

La personne placée en garde à vue est « immédiatement » (63-1) informée de ses droits par un OPJ/APJ, ce qui correspond pour la dernière JP à un délai max de 30/45 min. (à compter du placement par un OPJ : 63, III CPP).

Des « circonstances insurmontables » peuvent néanmoins justifier le retard de la notification.

Avis au PR #

63, I CPP : « dès le début de la mesure » l’OPJ informe le PR, « par tout moyen », du placement de la personne et lui donne connaissance des motifs de placement (cf. 62 CPP) et de la qualification des faits.

Comme pour la notification des droits, la JP estime qu’au-délà de 45 minutes l’avis est tardif sauf circonstances insurmontables.

Cette information peut néanmoins être donnée par tout moyen.

Mesures de sécurité #

Art. 63-5 CPP : « La garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne. Seules peuvent être imposées à la personne gardée à vue les mesures de sécurité strictement nécessaires. ».

Les mesures de sécurité qui peuvent être pratiquées en GàV sont définies par un arrêté ministériel (63-6) dont le dernier en date (1er juin 2011) dresse la liste suivante :

  • palpation de sécurité, pratiquée par une personne du même sexe au travers de vêtements ;
  • un moyen de détection électronique ;
  • le retrait d’objets et d’effets pouvant constituer un danger pour la personne ou pour autrui ;
  • le retrait de vêtements, effectué de façon non systématique et si les circonstances l’imposent.

La personne gardée à vue dispose, au cours de son audition, des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité (63-6 al. 3 CPP).

Menottes ou entraves #

Le port des menottes ou des entraves est exclu sauf si la personne est considérée dangereuse pour elle-même ou pour autrui ou en cas de risque de fuite (803 CPP).

Fouille intégrale #

La fouille intégrale n’est pas une mesure de sécurité (63-6 CPP) et ne peut être effectuée que si elle est « indispensable pour les nécessités de l’enquête » et que la fouille par palpation ou l’utilisation d’un détecteur ne peut être réalisée (63-7).

Elle ne peut être décidée que par un OPJ et réalisée dans un espace fermé, par une personne de même sexe.

Fouille corporelle interne #

La fouille corporelle interne ne peut être décidée que si elle est indispensable pour les nécessités de l’enquête et pratiquées uniquement par un médecin requis à cet effet (63-7).

Durée #

Pour le calcul de sa durée, le point de départ de la garde à vue est fixé au moment de la première mesure de contrainte préalable même si celle-ci n’est pas décidé par un OPJ (63, III CPP), en principe seul capable de placer en GàV.

Durée Motif Condi° forme CPP
24h - - 63,II,al.1
+24h
(48h)
- prolong = unique moyen de parvenir à l’une des finalités de la GàV
- crime/délit ≥ 1 an
- autorisée par PR et notifiée à l’intéressé
- présentation préalable au PR, dispense « à titre exceptionnel »
63,II,al.1
+24/48h
(72/96h)
- nécessités de l’enquête l’exigent
- infraction prévue à 706-73 CPP
- prolong par JLD saisi par PR
- présentation préalable au JLD obligatoire
706-88
+24/48h
(120/144h)
- risque sérieux de l’imminence d’une action terroriste (421-1 à 421-8 CP) en FR ou à l’étranger
ou
- les nécessités de la coop INT le requièrement impérativement
- prolong par JLD saisi par PR
- présentation préalable au JLD sauf, à titre exceptionnel, en raison des nécessités des investigations en cours ou à effectuer.
706-88-1

La loi a prévu que la durée des gardes-à-vue pour les mêmes faits se cumulaient (63, III, al. 2 CPP), même dans des cadres d’enquête différents (ex : flagrance/instruction). Pour des faits différents, les durées de garde à vue ne se cumulent pas (et permettent de dépasser la durée maximale prévue) à condition que celles-ci aient été sufissament éloignées dans le temps.

Garanties de la GàV #

Garanties inhérentes #

Enregistrement audiovisuel #

Les auditions des mis en cause pour crime, effectuées dans un local de gendarmerie ou de police, font obligatoirement l’objet d’un enregistrement audiovisuel (64-1 CPP).

La loi prévoit deux cas d’impossibilité de procéder à l’enregistrement :

  • impossibilité matérielle : impossibilité en raison du trop grand nombre de mis en cause qui doivent être interrogés simultanément, dans la même procédure ou dans des procédures distinctes. L’OPJ doit en informer sans délai le PR qui désigne, par une décision écrite versée au dossier, au regard des nécessités de l’enquête, la ou les personnes dont les auditions ne seront pas enregistrées;
  • impossibilité technique : imposibilité à raison d’un défaut du matériel, qui contraint l’OPJ à en aviser immédiatement le PR et à faire mention de cette impossibilité dans le PV d’audition.

Droits de la personne gardée à vue #

Droit de faire prévenir un tiers #

La personne gardée à vue peut faire prévenir tout personne de son choix de son placement en garde à vue (63-2 CPP).

Droit à un examen médical #

La personne placée en GàV peut solliciter un examen médical lors du placement et de la prolongation. L’examen médical peut également être sollicité par un membre de la famille (qui est de droit) ou décidé d’office par le PR ou l’OPJ (63-3 CPP).

Le médecin se prononce sur « l’aptitude au maintien en garde à vue et procède à toutes constatations utiles », le certificat étant versé au dossier. Si l’examen conclut à l’incompatibilité de la garde à vue, la personne doit immédiatemenht être remise en liberté.

Le médecin doit être sollicité (et non intervenir) dans un délai de 3 heures à compter de la demande.

Droit au silence #

Droit à l’assistance d’un avocat #

Désignation - L’avocat peut être commis par le bâtonnier, choisi par le mis en cause ou par le proche dont il demande qu’il soit informé de la garde à vue, à condition que ce choix soit confirmé par le mis en cause lui-même (63-3-1, al. 2 CPP).

L’avocat « accomplit les diligences requises pour se présenter sans retard indu ». Si l’avocat ne peut être contacté ou ne peut se présenter dans un délai de 2 heures, le bâtonnier est saisi à nouveau par l’OPJ, l’APJ ou l’assistant d’enquête « sans délai et par tous moyens » aux fins de désignation d’un avocat commis d’office (63-3-1 CPP).

Audition et confrontation hors la présence de l’avocat - Deux mécanismes peuvent conduire à ce qu’une audition ou une confrontation ait lieu sans intervention de l’avocat désigné ou commis, pour des motifs identiques :

  • « éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale »;
  • « prévenir une atteinte grave et imminente à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne ».

Le premier mécanisme est celui du report de la présence de l’avocat, prévu à l’article 63-4-2 CPP. Sur demande de l’OPJ, le PR peut autoriser un report de l’intervention de l’avocat pour une durée maximale de 12h. Le JLD, sur requête du PR, peut autoriser un report allant jusqu’à 24h. Dans les mêmes conditions il peut être décidé que l’avocat ne peut, pour une durée identique, consulter les procès-verbaux d’audition de la personne gardée à vue.

Les décisions de reporter l’intervention de l’avocat, qu’elles émanent du PR ou du JLD, sont écrites et motivées par référence aux deux motifs ci-dessus, « au regard des éléments précis et circonstanciés résultant des faits de l’espèce ».

Le second mécanisme est celui de l’audition ou de la confrontation sans délai, c’est-à-dire sans attendre l’arrivée de l’avocat, prévue à l’article 63-4-2-1 CPP. La décision, écrite et motivée, émane du PR sur demande de l’OPJ, si cette décision est « au regard des circonstances, indispensable » pour satisfaire l’un des deux critères énoncés plus haut. Si l’avocat arrive en cours d’audition ou de garde à vue, celle-ci est interrompue pour qu’ait lieu l’entretien si le mis en cause le souhaite, sinon l’avocat peut assister à l’acte en cours.

Conflit d’intérêt - Un conflit d’intérêt peut être soulevé par l’avocat lui-même, par le PR ou l’OPJ qui peuvent demander à l’avocat de se déporter et, en cas de refus de ce dernier, saisir le bâtonnier, qui est le seul à pouvoir trancher la question.

Entretien préalable - Entretien d’une durée de 30 minutes maximum « dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien » (63-4 CPP). Entretien possible à la demande de la personne lors de chaque prolongation, au début de celle-ci (al. 3). À l’issue de chaque entretien, audition et confrontation, l’avocat peut joindre des observations à la procédure ou les transmettre au PR (63-4-3 CPP).

Pratique : confidentialité de l’entretien

Si le local avocat ne garantit pas la confidentialité de l’entretien:

  • refuser l’entretien et solliciter un autre espace satisfaisannt;
  • s’il n’est pas satisfait à cette demande :
    • refuser l’entretien ;
    • faire des observations jointes à l’audition et transmises au parquet (en joignant des photos du local si possible) ;
    • transmettre les observations à la permanence pénale du tribunal compétent.
Consultation du dossier - À sa demande, l’avocat peut consulter le PV de notification, le certificat médical et les PV d’audition (63-4-1 CPP). Il ne peut en faire des copies mais peut en prendre des notes. L’avocat ne peut faire état à quiconque pendant la durée de la GàV des entretiens ou des informations qu’il a recueillies (63-4-4 CPP).

Droit à un interprète #

La notification des droits doit se faire dans une langue que la personne comprend si elle ne parle pas français, « le cas échéant après qu’un formulaire lui a été remis pour une informatioon immédiate » (63-1 al. 3 CPP).

Si la personne est attteinte de surdité et qu’elle ne sait ni lire ni écrire elle peut être assistée par un interprète en langue de signe ou « par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec elle ». Il peut être recouru à un dispositif technique (63-1 al. 2 CPP).

Exploitation du téléphone #

Assimilation à la perquisition #

La présence de l’avocat n’est pas requise lors de l’exploitation du téléphone portable, dont le régime est assimilable à une perquisition non domiciliaire.

En revanche, l’interrogation du mis en cause sur le contenu du téléphone constitue une audition, nécessitant la présence de l’avocat.

Refus de communiquer les codes #

Le refus, sur réquisitions délivrées conformément aux II et III du livre 1er du CPP, de donner le code permettant le déchiffrement d’un téléphone portable, dès lors que ce téléphone est équipé d’un moyen de crypotologie et qu’il est susceptible d’avoir été utilisé pour « préparer, faciliter ou commettre » un crime ou un délit, constitue une infraction (434-15-2 CP).

Les éléments constitutifs de l’infraction ne sont quasiment jamais entièrement réunis:

  1. Premièrement, il faut démontrer que le téléphone est équipé d’un moyen de cryptologie et que le code de déverouillage constitue une convention de déchiffrement. Celle-ci a été définie par la Cour de cassation dans un arrêt d’assemblée plénière aux termes duquel elle indique qu’il incombe au juge de vérifier que ces deux conditions sont satisfaites (Ass. Plén., 7 nov. 2022, 21-83.146). Or, bien souvent, les procès-verbaux comportent trop peu d’informations sur le téléphone portable (modèle, version de l’OS) afin d’établir l’existence ou non d’une convention de déchiffrement.

  2. Ensuite, il faut démontrer que le téléphone portable a été utilisé pour « préparer, faciliter ou commettre » un crime ou un délit (ce qui exclut, a priori, le renvoi de ce seul chef de prévention).

  3. Enfin, il faut que la demande de code soit adressée par voie de réquisitions, le texte renvoyant aux pouvoirs généraux de réquisitions des OPJ (Titre II : 60-1 pour la flagrance ; 77-1-1 en préliminaire) et des juges d’instruction (Titre III : 99-3), auxquelles une simple demande au cours d’une audition n’est pas assimilable.


  1. Crim., 25 oct. 2000, 00-83.253 (« les règles édictées par l’article 4 de l’ordonnance du 2 février 1945 visent à protéger le mineur, non pas en raison de son manque de discernement au jour des faits, mais en raison de sa vulnérabilité supposée au moment de son audition »). ↩︎

  2. Exigence de nécessité de la mesure, en écho au principe général qui commande que toute mesure de contrainte soit « au regard des circonstances de l’espèce, nécessaire à la manifestation de la vérité et proportionnée à la gravité de l’infraction » (art. prélim. CPP). ↩︎


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